jeudi 3 avril 2008

De l'abstention électorale et du vote blanc

Le phénomène électoral me passionne. Quoi de plus normal, me direz vous, lorsque'on a vingt ans? Pourtant, je n'ai à ce jour voté qu'à trois occasions : élections présidentielles de 2007, municipales et cantonales de 2008. Une défaite (qui m'a fait mal, je le concède volontiers, d'autant plus que j'en ressentirai les effets pendant encore quatre longues années...) pour deux victoires, le bilan est appréciable. Si, si, il me ravit. Mais de quel droit s'enorgueuillir de la victoire de ses champions? Du droit de vote, bien entendu ! Ce droit de vote inhérent à ma citoyenneté française, ce droit de vote qui fait que quand l'on me parle de la Nation, je ne pense pas à eux, ni à vous, mais à nous. Ce droit de vote qui, a fortiori vous en conviendrez comme moi, fait de nous les enfants de la République.
Ô droit de vote ! Quel lyrisme. Et pourtant, le droit de vote peut tout aussi bien être guaspillé (ce qui peut se comprendre, étant donné que chacun est libre de l'exprimer comme bon lui semble), que laissé de côté, inutilisé. Oui, encore une fois, chacun est libre d'exprimer ou non son droit de vote. On pourrait ainsi en se plaçant du côté des autres (au sens le plus péjoratif du terme, veuillez m'excuser), considérer que la citoyen français dispose d'un "droit à l'abstention". Comme l'expression est bien trouvée. Quel gâchis ! Je ne suis pas là pour donner des leçons d'histoire aux "autres" comme je les appelle. Notons seulement que le suffrage universel direct masculin est acquis en France depuis la deuxième République (1848). 1848... 2008... Petit calcul mental (ce n'est pas mon fort). On arrive donc au 160ème anniversaire du suffrage universel masculin. Considérons les choses d'un autre point de vue et voyons les non pas à l'échelle d'une vie humaine, mais à celle de l'Histoire. Il faut bien décider arbitrairement d'une date de début, prenons l'an 0. On arrive à un résultat équivalent à 160 années de suffrage universel direct masculin sur 2000 ans et des poussières d'histoire. Et oui, le vote est récent les amis. Cela ne fait que 160 que le citoyen est capable, sans distinction de revenu, de classe sociale, etc. , de choisir par qui il sera représenté, et a fortiori gouverné. 160 ans que les simples individus que nous sommes pouvons librement choisir. Alors pardonnez moi, mais je m'étonne que certains d'entre nous fassent le choix de ne pas choisir (le paradoxe est étonnant de limpidité, non?). Car s'abstenir, c'est bien se taire, ne pas s'exprimer, et donc ne pas choisir. Pour aller plus loin, être passif, un légume en quelques sortes. Complètement passif. Pardonnez moi donc, mais j'avoue librement ne pas vraiment apprécier ce comportement de bovin. Ecoutons désormais les justifications de ceux de nos concitoyens qui sont allergiques aux urnes : "si je me suis abstenu, c'est parce que je ne savais pas pour qui voter", et même : "je n'avais ni le temps ni l'envie". Ou encore : "à quoi bon?". Les révolutionnaires (nos ancêtres) doivent se retourner dans leurs linceuls bleu-blanc-rouge.

Tentons de résumer, car à ce stade la réflexion commence légèrement à s'embrouiller, et il ne s'agit pas de rendre ces quelques mots incompréhensibles après tant d'efforts ! Pour résumer donc, on s'abstiendrait pour ne pas avoir à choisir entre des candidats "plus mauvais, plus pourris les uns que les autres". Celui qui s'abstient ne fait pas le choix du moins pire, il décide de ne pas choisir. Cependant, et n'hésitez pas à poster des commentaires insultants si je me trompe, il me semble que celui qui s'abstient a finalement vocation, et ce malgré ses efforts de volonté épuisants, à être gouverné par un des candidats auquel il a refusé de donner mandat. En clair, si la majorité de la population, ou même les trois quarts, décidaient demain de s'abstenir à une élection présidentielle car aucun des candidats n'aura été convaincant, cela n'empêchera pas un de ces mêmes "mauvais, pourris, avec des idées horribles" d'être élu et d'exercer la durée de son mandat en toute légitimité démocratique.

Alors oui, étant profondément épris de démocratie, ayant un goût prononcé pour la Chose Publique, l'abstention me dégoute, et ses défenseurs me font sourire d'amertume. Un tel comportement civique, chers enfants de la République, fait le jeu de ceux que vous détestez sûrement plus que les autres. Certains dirigeants de partis dits "extrêmes" peuvent légitimement se frotter les mains en regardant les chiffres de l'abstension. Mais je m'emporte dans des considérations policiennes qui n'ont pas leur place ici. Il faudrait que ma raison domine pour quelques temps encore mes passions.

Certains d'entre vous seront peut être déçus en se disant que j'ai accordé trop de place dans ma réflexion au cas de l'abstention électorale, au détriment du cas du vote blanc. Réjouissez vous bien au contraire : toutes les idées que j'ai pu évoquer au sujet de l'abstention s'appliquent au vote blanc. Enfin presque toutes.

Comme chacun sait le vote blanc consiste, à la différence de l'abstention, à se déplacer diligeamment jusqu'aux urnes dans le seul but de ne voter pour personne. Voterai-je ou on? Allez, votons pour personne ! Pardon, voila que je m'égare à nouveau. Bref, celui qui vote blanc vote - mais pour personne. Enfin, c'est l'idée. Drôle d'idée. Pour en avoir longuement discuté avec des adeptes de ce sport intellectuel, ou au moins avec des gens qui peuvent comprendre les "autres" d'une façon qui m'est étrangère, le raisonnement intellectuel est le suivant. Celui qui vote blanc, et la chose est sensiblement loufoque vous en conviendrez aisémment, méprise celui qui s'abstient, en tant qu'il ne remplit pas son devoir citoyen. En écrivant ces mots, je ne peux m'empêcher de rire, mais là n'est pas la question. Venons en au fait. Celui qui vote blanc a le sentiment d'exprimer son mécontentement. Le voteur blanc est un grand blasé de la vie politique. C'est sûrement que lui seul détient la vérité, et que les candidats polytechniciens-enarques-sciencespôsards n'entendent rien à la Chose Publique. Le voteur blanc est un modèle du genre. Mais interrogeons nous sur la portée réelle de son geste. Il faut ici que je vous précise que bien que comprenant la force de la symbolique (si Richard, je t'assure), mon esprit penche plus pour l'empirisme et les résultats en matière de droit, et de politique. Ainsi donc, le voteur blanc exprime par son vote blanc son mécontentement, ou son manque d'avis tranché, ce que vous voulez. Soit. Et après?

L'un d'entre vous peut-il me dire ce qui fait la différence entre l'abstention et le vote blanc en matière de résultat? Tous deux sont juridiquement inopérants. Leur effet est nul. Vous me reprocherez à nouveau de "ramener" ma culture juridique. Mais qu'est-ce qu'une élection, à part l'expression d'une partie de notre droit constitutionnel? La finalité d'une élection est simplement d'élire des dirigeants ou des représentants. Que les "autres" aient voté blanc, ou se soient abstenus, n'aura aucun effet sur le résultat de l'élection. Au pire pourrez vous me dire que la légitimité démocratique du candidat élu sera entamée, soit. Cela l'empêchera-t-il de terminer son mandat? Non. Et c'est cela, et seulement cela, que retient l'Histoire.
Pour finir, soyons bons juristes. Bien que je répugne à appliquer à une question de droit public des raisonnements de droit civil, il faut bien avouer que l'affaire s'y prète à merveille. Alors soit. Qui ne dit mot consent.

5 commentaires:

  1. Hazak mon fils. Félicitation pour l'ouverture de ton "journal intime publique", et pour cette prise de position sur le droit de vote.
    A plous.

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  2. Pris par les remords suscités par ton dernier billet je prends pars, de façon tardive certes, à la discussion.

    Quelques éléments : tout bien considéré je trouve bien plus respectable le citoyen qui se déplace aux urnes que celui qui ne se sert pas du droit qu'on lui a accordé. C'est en ne faisant pas usage de nos droits qu'on les perd...(la prescription n'est jamais acquisitive ici remarquez)

    Ceci étant dit je préciserai que l'usage du vote blanc ou nul me parait à tout le moins démontrer une certaine conscience que chaque homme doit accepter le contrat social qu'il trouve justifié.

    Pour autant je le désapprouve en ce que, comme l'a souligné pierre, il peut être facteur de succès des extrêmes qui sont - faut-il le rappeler - aussi ravageurs dans un sens que dans l'autre, avec plus ou moins de mauvais goût.

    Je désapprouve ce vote blanc ou nul aussi et évidemment dans le sens où le citoyen qui l'a déposé choisit effectivement de ne pas choisir et de laisser d'autres le faire à sa place, perpétuant un ordre bien établi. Or s'il n'a pas choisi de candidat, c'est bien souvent qu'il est dans une logique de contestation. Alors pourquoi ne pas l'employer à juste escient et choisir des hérauts plus proches de ses idéaux.

    Nul n'est besoin d'aller chercher à l'extrême pour cela il y a bien des fondements à rendre à nos partis démocratiques et républicains. Or le vote blanc ne permet pas cela en ce qu'il s'inscrit dans une logique simplement négative vis à vis du politique et jamais dans une logique d'action.

    Il ne faut pas compter sur ceux qui sont au pouvoir pour tirer d'un pourcentage de votes nuls anormalement élevé des songes quand à leur légitimité :)

    Je crois en avoir fini avec mes digressions, c'est un peu le vrac actuellement car la réponse était improvisée...peut mieux faire comme dirait l'autre (c'est pour la prochaine) !

    Pour ne pas instruire à charge je concluerai en disant que si je le désapprouve je comprends fort bien le vote nul ou blanc en ce qu'il est l'expression du ras l bol de la classe politique...il y a assurément de la vérité dans ce sentiment quoiqu'il verse souvent dans la conversation de pilier de comptoir.

    Salute j'y retourne :)

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  3. Cher Loïc,
    après ce petit apéro de la Corpo où nous nous sommes sentis bien seuls il faut l'avouer, laisse moi laisser une réponse sommaire à ton joli commentaire qui m'a emplit le coeur de joie. au risque de te décevoir, et pour limiter ma critique acerbe au dernier paragraphe de ton intervention, le sentiment comme tu le définis, qui peut habiter le coeur des voteurs blancs et de ceux qui s'abstiennent, ce sentiment, dis-je, ne m'importe peu. N'oublie pas, Ô grand juriste, que le sentiment n'a pas sa place dans nos discussions du moment. Le sentiment n'est pas pour autant absent de nos coeurs, fort heureusement. Mais nous parlons là de la Chose Publique, d'un droit pour lequel ont combattu et sont mors de vaillants républicains, et de vaillants prolétaires (là je te sens frémir). alors, s'il te plait, épargne nous mon ami de telles disgressions. Quant au reste de ton plaidoyer mon ami, il me semble tout à fait digne de toi.
    Avec tout mon amour, Pierre

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  4. Ma réponse est longue, elle est sur mon blog : http://carusweb.blogspot.com/
    Bises

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  5. Réponse au commentaire de Richard, disponible sur http://carusweb.blogspot.com

    Cher ami, cher contradicteur,

    pour commencer, félicitations, et merci pour ton intervention "N'étant pas juriste". Certes tu n'es pas juriste, et heureusement car dans le cas contraire ma vie perdrait un peu de sa saveur. Quoi qu'il en soit ne te sous-estime pas (ou ne fais pas semblant de...). Pour avoir longtemps jouté avec toi à propos de bien des problèmes existentiels que nous partageons depuis quelques années (je fais référence bien entendu à l'amour, la poitrine, les fesses, les religions, le pouvoir, récemment la Loi) je sais que tu n'as rien à envier sur le plan oratoire, ni même sur le plan des idées, à ceux qui, comme moi, tentent de maîtriser tant bien que mal leur esprit. Rien du tout. D'autant plus que tu es un adepte (un amant, pourrais-je dire) de la science des mots et des symboles. Et cela cher ami, est tout à ton honneur. Sache que souvent je t'envie. Mais là n'est pas notre propos.

    A ta première réflexion sur le délicat sujet qu'est la Liberté, je ne répondrais pas tout de suite. Sache en effet que grâce à toi, je viens de trouver un nouveau sujet d'article pour ce blog. Merci.

    J'ai cru apercevoir dans les méandres de ta réflexion une ébauche d'idée selon laquelle celui qui ne vote pas "a une histoire loin des idéaux de la République". J'avoue ne pas avoir considéré ce point de vue. C'est donc que la République a mal fait son travail, car si l'histoire personnelle de celui qui s'abstient s'éloigne d'elle, c'est que la République n'est plus la Chose Publique. Et il vaudrait- mieux pour elle que cette affirmation ne se vérifie pas dans le temps.

    Ensuite, tu affirmes que le "misérable" qui reste chez lui est "souverain". Je ne suis pas d'accord, loin de là. Pour moi, le misérable qui reste chez lui n'est souverain que de lui-même (dans un e mesure dont nous débattrons en temps voulu). C'est a dire qu'il est simplement libre. Et non souverain au sens (oui oui) que j'accorde à ce mot. Puisqu'il ne choisit rien. Saisis la nuance. Il n'assume pas la souveraineté (nationale). Il se met donc volontairement, et librement hors la Nation. Je fais là une distinction fondamentale, dans ma propre façon de penser, entre liberté et souveraineté. La souveraineté étant une déclinaison, ou une expression bien particulière de la liberté. Ainsi, l'amalgame est à proscrire.

    Quant à ta dernière idée, la plus brillante à mes yeux, c'est avec brillo que tu l'avances. Le sujet n'est pourtant pas facile à expliquer. J'en révais, Richard l'a fait. Je te suis totalement, la République doit se rendre compte de la réalité sociale et culturelle des gouvernés. Sans pour autant perdre son caractère jacobin (au sens laudatif du terme). C'est à dire sans cesser de rassembler. Mais ça, tu l'entends mieux que moi.

    Bien joué frère ;)

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